Trilogie – troisième volet – IMMORTALITÉ
Lorsque j’étais enfant, je me souviens que les religieuses à l’école aimaient nous causer de la mort et de l’éternité qui durait très, très longtemps. Du coup, dans nos petites têtes, on comprenait que ce temps n’en finirait plus de s’étirer après la mort et qu’on n’avait qu’à bien se tenir pour se retrouver au ciel plutôt qu’en enfer.
Alors moi, j’essayais d’être sage, docile, je faisais assidûment mes travaux scolaires, j’écoutais ma mère, j’étais une enfant studieuse, obéissante, enjouée même, mais inquiète tout de même de ce qui m’attendait après …
C’est fini tout ça.
Avec Facebook maintenant, je suis assurée de l’immortalité à la fin de mes jours.
Je trouve ça très rassurant.
Non mais vous vous rendez compte, laisser une trace indélébile, ne jamais tomber dans l’oubli, ce n’est pas rien. On me lira encore après ma mort. Je vivrai éternellement dans la mémoire des gens.
Pensez à tous ces artistes, ces poètes maudits qui ont vécu dans la misère, qui ont dû faire des bassesses pour gagner leur pitance sur terre et dont les héritiers maintenant en tirent profits.
À moi la reconnaissance posthume. (Note à mes enfants : ne pas s’endetter trop vite et lire la suite).
Bon, c’est bien beau tout ça, c’est excitant, mais il y a un os.
Par peur des rumeurs qui courent sur les dangers de ces sites de réseautage social, j’ai tout mis en œuvre pour passer incognito. Je me suis inscrite sur Facebook de façon tout à fait anonyme sous un faux nom, un faux prénom, une adresse de courriel inconnu de tous et une photo truquée.
Alors, personne ne peut me trouver. Ai-je bien fait???
Je n’ai que 5 amis à qui j’ai confié mon secret. Ils se sont tous bien bidonnés. Ce sont ceux-là mêmes à qui j’ai déjà reproché de m’avoir abandonnée. Je m’en excuse maintenant. (S’ils me lisent encore, je leur demande la discrétion la plus totale).
J’entends les conseils qui vont bon train : pense à la rançon de la gloire, gare à ta vie privée, le monde virtuel est cruel, méfie-toi Caboche des trompettes de la renommée.
Ouais! C’est tentant tout de même. Je vais aller réfléchir à tout ça pendant quelque temps, au fond des bois, loin du monde virtuel et des paparazzi.
Ah! L’éternité avec Facebook ad vitam æternam amen.