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Anarchiquement vôtre
11 juin 2007

Quand il faut assumer

Il vous est sûrement arriver un jour de blesser quelqu’un par inadvertance. Vous étiez pleins de bonnes intentions, vous avez dit ou écrit quelque chose, vous avez posé un geste innocemment et un problème de communication ou de décodage a fait que vous avez chagriné une personne.

Alors, vous vous êtes confondus en excuses,  vous avez essayé de réparer, ou vous avez laissé tomber après avoir rongé votre frein quelque temps.

Vous vous demandez où je veux en venir avec ce préambule?

Et bien, j’éprouve le besoin d’exprimer ce que je ressens après avoir posé un geste d’éclat avec toutes les bonnes intentions du monde.

Alors, voilà où le bât blesse.

Après à peine 12 heures de « tête rasée », je me pose des questions sur la pertinence du geste.

Je sais, vous dites, il fallait y penser avant. J’y ai pensé. Mais c’est dans l’action souvent qu’on apprend et qu’on avance.

Des amis m’ont bien lancé des messages, des mises en garde face au geste que je m’apprêtais à poser. Mais je n’ai pas su tout décoder.

Une importante facette m’avait échappé.

Je n’ai pas perdu mes cheveux parce que je suis malade. J’ai choisi de les faire raser. Je n’ai pas perdu non plus mes sourcils, ni toute ma pilosité. Le geste est symbolique, et c’est très différent. Je prends conscience que de transformer cette « perte de cheveux » volontaire en spectacle ou en fête, peut faire revivre à des  personnes atteintes de cancer des moments pénibles, difficiles que je ne peux pas vraiment comprendre ne les ayant pas vécus. Ce qui est perçu comme un geste courageux  ou empathique pour certains, peut se transformer, pour d’autres en geste désinvolte qui minimise une réalité qui, elle, est un drame.

La personne qui voit ses cheveux graduellement tomber jusqu’à finalement se résigner à les faire raser,  pleure en secret à son retour à la maison. Je crois que sa crainte alors du regard des autres, c’est la peur de l’apitoiement qu’on lui témoignera, et l’impossibilité de cacher la maladie qui l’affecte et tout ce qui s’en suit.

Le regard que je craindrai de l’autre, quand je me promènerai sur la rue, et que je croiserai, sans le savoir,  des personnes victime du cancer,  ce n’est pas celui d’un jugement sur mon apparence, mais plutôt l’impression de tricher en mimant une grande épreuve, une dure réalité que j’ai maquillée.

Je ne suis pas non plus très à l’aise avec « l’image de courage » qui est projetée par cette opération. Comment peut-on établir une échelle de courage? Je ne me sens ni plus ni moins courageuse qu’une personne qui relève ses propres défis quotidiens, dans l’anonymat, et souvent bien moins spectaculaires mais combien plus difficiles qu’un coup d’éclat.

Le courage que je dois avoir aujourd’hui est bien différent de celui qu’on imagine. C’est celui d’assumer le choix que j’ai fait, de poser, avec toutes les bonnes intentions du monde, un geste spectaculaire sans en avoir compris toutes les implications et les retombées. Le courage de l’avouer en toute humilité.

Ce qui me permettra d’en accepter les conséquences, sans me couvrir d’amers regrets, c’est que je crois que pour apprendre dans la vie,  il faut agir et prendre des risques. C’est ce qui nous grandit.

L’important ce n’est pas de ne pas faire d’erreurs mais d’apprendre de celles-ci pour ne pas les répéter.

Je ne cherche pas une quelconque approbation, et je ne crois pas non plus que tout est négatif dans ce projet « défi têtes rasées » de Leucan. Il m’était cependant utile de réfléchir ici à haute voix, et d’apporter un éclairage différent sur l’événement.

Je vous remercie pour les dons généreux que vous avez faits pour la cause et le support que vous m’avez apporté.

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Commentaires
C
@ cathulu<br /> <br /> Mais attention, je ne suis pas cabotine.<br /> Et avec toutes tes suggestions de lecture, que je note scrupuleusement, je ne sais plus où donner de la tête.
C
hé bé, je comprends mieux ton surnom de caboche ! :)
C
@ Véro<br /> <br /> Je te remercie de prendre le temps d’écrire ici ta réflexion. Tu parles de la raison pour laquelle tu voulais te faire raser la tête. C’est sur ce point que je réfléchis présentement.<br /> Pourquoi choisir un geste si spectaculaire, voire même provoquant, qui braque la caméra sur moi?<br /> Ma motivation de départ n’était pas la levée de fonds mais plutôt comment exprimer, à des amies proches de moi, ma compassion. Je crois qu’elles ont compris ce côté-là du geste et ont été aussi très touchées. C’est davantage le côté spectacle et fête qui peut porter à confusion. <br /> Pour ramasser des fonds, c’est certain que le but est très vite atteint. Dans la société d’aujourd’hui, il faut toujours que le spectacle soit plus gros, plus « flash », plus osé. On n’a qu’à penser au « reality show » où on n’en finit plus de renchérir. <br /> Les gens voient dans ce geste de rasage de tête, une manifestation de courage qu’ils admirent, pensant même qu’ils en ont moins que vous. Et pourtant. Ils vous encensent facilement et donnent de l’argent pour la cause.<br /> Cet aspect-là de l’histoire, je n’ai pu la réaliser dans toutes ses dimensions avant de passer à l’action. Et maintenant, ça me fait réfléchir. Je culpabilise moins aujourd’hui. Le geste crée des rapprochements. Mais je réalise qu’il y a aussi des raisons sous-jacentes pour avoir choisi cette façon de faire (très spectaculaire) plutôt qu’une autre pour exprimer ma compassion et par la même occasion pour ramasser des fonds. Ces raisons-là je les vois après être passée à l’action et plus difficilement. Tu as sûrement été sage de suivre les conseils de ta coiffeuse. Bonne continuation à toi aussi.
V
Je ne connaissais pas cette journée du 10 juin et je découvre ton blog. Personnellement, j'aurais tendance à dire que je ne vois pas trop le mal que tu as fait... D'une part avec ton coup de tête il semble que tu as déclenché des dons pour cette opération et puis je crois également que de nos jours les têtes rasées n'appartiennent pas seulement aux personnes atteintes de cette grave maladie. <br /> <br /> Il y a un peu plus d'un mois, j'avais pris la décision de me raser la tête aussi mais pour une toute autre raison, juste parce que j'en ai marre de ces cheveux que je n'arrive plus à coiffer. J'en ai parlé à mon coiffeur qui m'a déconseillé fortement de le faire sauf si c'était pour une expérience, mais pas pour la raison pour laquelle je voulais le faire. <br /> <br /> Ce que je veux dire c'est que bien sur que c'est très bien que tu assumes ton geste, mais il n'est pas nécessaire de culpabiliser pour ce que tu as fait. Penses-tu vraiment que toutes les personnes que tu croiseras dans la rue qui ont le cancer vont te regarder de travers parce que tu auras le crâne rasé ? non je ne le pense pas. Et ce n'est en rien les tromper de l'avoir fait. <br /> <br /> Enfin c'est mon simple avis... <br /> <br /> Bonne continuation
S
Je ne sais trop qu'ecrire... mais il me semble que mon embarras devant ton choix provient de ce que tu ecris si justement ici... La 'difference' entre choisir et subir... C'est bon que tu fasses le point sur ces deux etats...
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