Quand il faut assumer
Il vous est sûrement arriver un jour de blesser quelqu’un par inadvertance. Vous étiez pleins de bonnes intentions, vous avez dit ou écrit quelque chose, vous avez posé un geste innocemment et un problème de communication ou de décodage a fait que vous avez chagriné une personne.
Alors, vous vous êtes confondus en excuses, vous avez essayé de réparer, ou vous avez laissé tomber après avoir rongé votre frein quelque temps.
Vous vous demandez où je veux en venir avec ce préambule?
Et bien, j’éprouve le besoin d’exprimer ce que je ressens après avoir posé un geste d’éclat avec toutes les bonnes intentions du monde.
Alors, voilà où le bât blesse.
Après à peine 12 heures de « tête rasée », je me pose des questions sur la pertinence du geste.
Je sais, vous dites, il fallait y penser avant. J’y ai pensé. Mais c’est dans l’action souvent qu’on apprend et qu’on avance.
Des amis m’ont bien lancé des messages, des mises en garde face au geste que je m’apprêtais à poser. Mais je n’ai pas su tout décoder.
Une importante facette m’avait échappé.
Je n’ai pas perdu mes cheveux parce que je suis malade. J’ai choisi de les faire raser. Je n’ai pas perdu non plus mes sourcils, ni toute ma pilosité. Le geste est symbolique, et c’est très différent. Je prends conscience que de transformer cette « perte de cheveux » volontaire en spectacle ou en fête, peut faire revivre à des personnes atteintes de cancer des moments pénibles, difficiles que je ne peux pas vraiment comprendre ne les ayant pas vécus. Ce qui est perçu comme un geste courageux ou empathique pour certains, peut se transformer, pour d’autres en geste désinvolte qui minimise une réalité qui, elle, est un drame.
La personne qui voit ses cheveux graduellement tomber jusqu’à finalement se résigner à les faire raser, pleure en secret à son retour à la maison. Je crois que sa crainte alors du regard des autres, c’est la peur de l’apitoiement qu’on lui témoignera, et l’impossibilité de cacher la maladie qui l’affecte et tout ce qui s’en suit.
Le regard que je craindrai de l’autre, quand je me promènerai sur la rue, et que je croiserai, sans le savoir, des personnes victime du cancer, ce n’est pas celui d’un jugement sur mon apparence, mais plutôt l’impression de tricher en mimant une grande épreuve, une dure réalité que j’ai maquillée.
Je ne suis pas non plus très à l’aise avec « l’image de courage » qui est projetée par cette opération. Comment peut-on établir une échelle de courage? Je ne me sens ni plus ni moins courageuse qu’une personne qui relève ses propres défis quotidiens, dans l’anonymat, et souvent bien moins spectaculaires mais combien plus difficiles qu’un coup d’éclat.
Le courage que je dois avoir aujourd’hui est bien différent de celui qu’on imagine. C’est celui d’assumer le choix que j’ai fait, de poser, avec toutes les bonnes intentions du monde, un geste spectaculaire sans en avoir compris toutes les implications et les retombées. Le courage de l’avouer en toute humilité.
Ce qui me permettra d’en accepter les conséquences, sans me couvrir d’amers regrets, c’est que je crois que pour apprendre dans la vie, il faut agir et prendre des risques. C’est ce qui nous grandit.
L’important ce n’est pas de ne pas faire d’erreurs mais d’apprendre de celles-ci pour ne pas les répéter.
Je ne cherche pas une quelconque approbation, et je ne crois pas non plus que tout est négatif dans ce projet « défi têtes rasées » de Leucan. Il m’était cependant utile de réfléchir ici à haute voix, et d’apporter un éclairage différent sur l’événement.
Je vous remercie pour les dons généreux que vous avez faits pour la cause et le support que vous m’avez apporté.