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Anarchiquement vôtre
29 mars 2010

S’accommoder d’accommodements pendant 40 ans

Synonymes : se résigner, s’arranger, se soumettre, se conformer, se plier.

40 ans d’adaptation, de résignation, de soumission. Quel calvaire pour que l’Église divorce de l’État!

Ça l’Air fou, dit comme ça, mais c’est, à peu de chose près, ce qui s’est vécu dans les écoles publiques de la Sainte province de Québec depuis 40 ans.

À la suggestion de Zed, et pour ajouter un complément à l’actualité des dernières semaines, je vous résume succinctement cette bataille que j’ai menée pour l’obtention d’écoles laïques au Québec. « Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ne peuvent pas connaître ».

Fin des années 70, l’enfant tant aimé et non baptisé doit faire son entrée à l’école. C’est le grand jour.

croix_p

« C’est le grand jour 

 Bientôt l’ange mon frère  

Partagera son banquet avec moi

Des pleurs de joie humectent ma paupière 

Ô mon Jésus, je cours, je vole à toi. »

(chant chrétien)

Eh! Oui, des pleurs humecteront nos paupières mais elles ne seront pas de joie.

En cette « sainte semaine », voici donc mon chemin de croix.

Première station. Le Christ tombe … des nus pour la première fois.

À l’inscription, on nous demande le certificat de baptême. Et vlan, l’enfant n’a qu’un certificat de naissance. La haute direction s’informera si elle peut accepter cette petite dérogation. C’est la stupéfaction.

Deuxième station. Le Christ tombe … de Charybde en Scylla  pour la deuxième fois.

Les parents de l’enfant adoré remplissent le formulaire de demande d’exemption de l’enseignement religieux fourni par l’AQADER (Association Québécoise pour l’Application du Droit à l’Exemption de l’Enseignement Religieux).

Trois enfants dans l’école, qui en comptent environ 600, seront exemptés (2 témoins de Jéhova et notre bambin chéri.) Pendant le cours de catéchèse, le petit doit sortir de la classe et s’asseoir dans le corridor près de la porte de la directrice! (Après 3 mois de corridor et un brin de causette avec le chérubin, nous nous sommes résignés et le fils bien-aimé a assisté au cours de catéchèse pour la fin de sa première année.  Le combat n’a pas cessé pour autant.

Troisième station – Après être tombés de haut, les « p’tits christ » se relèvent.

Après des luttes épiques, le MLQ (Mouvement Laïc Québécois) obtient que l’exemption soit assortie d’un choix entre le cours de formation morale et celui de catéchèse … (si le nombre le permet). Hum!

L’écolier assistera donc au cours de formation morale qui malheureusement n’est pas toujours donné en même temps que le cours de catéchèse mais parfois pendant le cours d’éducation physique ou d’arts plastiques. Vous en connaissez beaucoup d’enfants qui sont heureux de manquer le cours d’éduc. pour assister au cours de morale?

Qu’à cela ne tienne, en cas de conflit d’horaire nous exigerons qu’il puisse choisir entre le cours d’éduc ou d’arts plastiques et celui de morale. Madame Pète-sec, directrice, nous semonce: « Y pensez-vous, madame, ce sera l’anarchie dans l‘école ».

Calvaire qu’on s’est dit, ce sera l’anarchie ost… Et le petit prince a choisi.

Et puis le petiot a vieilli, il a eu une petite sœur, et la famille militante et bien soudée a fait sa propagande. À l’école, ils furent plus nombreux à faire la demande, on avançait sur le chemin de Damas.

Ce n’est qu’à la fin des années 90 (environ 25 ans plus tard) que les commissions scolaires ont été déconfessionnalisées.  La déconfessionnalisation des écoles viendra par la suite. Le chemin de croix s’est fait à petits pas de bigotes, lentement, les fesses serrées, l’Association des Parents Catholiques veillant au grain.

Parfois, lorsque je lis les journaux aujourd’hui, j’ai l’impression de refaire mon chemin de croix à l’envers et je me dis que si nous avions contribué généreusement à la caisse électorale des partis politiques, la longue marche vers la laïcité des écoles se serait peut-être résumée à une petite balade agréable dans les bureaux des ministres.    

En tout cas, l’enfant est devenu adulte, développant son esprit critique, son sens moral et un bon jugement en apprenant à penser par lui-même. Mais ses fillettes devront-elles subir aujourd’hui le même calvaire? Le divorce ne semble pas tout à fait réglé au Québec entre l’Église et l’État?

Pour ma part, je continuerai à lutter. Sachant que maintenant on peut afficher quelque croyance que ce soit, à peu près n’importe où, je pourrai dorénavant porter sans problème ce t-shirt dans une classe, comme enseignante, sans que le Christ tombe pour une xième fois… de sa chaise.

slogan_tshirt1

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Commentaires
C
@ Zygomo<br /> <br /> Nous avons aussi des écoles privées largement subventionnées. Beaucoup de polémiques de ces temps-ci autour du sujet. Dernièrement 6 écoles juives orthodoxes ont réussi à faire modifier le calendrier scolaire de toutes les écoles de la province ... pour pouvoir prier à leur aise! Le pouvoir de l’argent …?<br /> <br /> P.-S. : Bon, c’est décidé, avec la venue de l’été je me lance dans l’impression de T-shirt.
Z
Nous avons la chance , en France, d'avoir pour règle l'école publique et l'enseignement privé pour exception. Cela dit, l'état octroie de grosses subvention au privé depuis quelques années.<br /> <br /> PS, le T-shirt me fait penser à Woody Allen qui disait : "Si Dieu existe, j'espère qu'il a une bonne excuse.
C
@ Zoreilles<br /> <br /> Les enfants ont appris à respecter les autres et à se respecter. Nous n’avons jamais été très adepte du slogan :«Tout le monde le fait, fais-le donc.»<br /> <br /> J’ai quelques anecdotes en mémoire : Tout le monde a une piscine, est-ce qu’on peut en avoir une? Ou pis encore : L’ado a 16 ans, il revient de la polyvalente située à ½ km de la maison: « Maman, tout le monde va à l’école en auto, est-ce que je peux avoir mon permis de conduire et prendre la voiture???? <br /> Que de grandes discussions philosophiques pour arriver au Non.<br /> Quand la cadette a demandé, à l’adolescence, si elle pourrait, un jour, se marier à l’église en robe blanche … la réponse fut Oui, à condition d’adhérer à la religion catholique, de se faire baptiser, confirmer et de suivre la formation nécessaire … Nous n’avons pas encore entendu la marche nuptiale à l’église.<br /> <br /> Quant à cette pub affichée sur les autobus, je suis aussi perplexe sur le sens et l’intention du message véhiculé. Je m’en suis servie davantage pour amener une réflexion sur le port des signes religieux à l’école par des personnes en autorité.
Z
Quant à ton t-shirt et son inscription qui, si ma mémoire est fidèle, s'est retrouvée sur des panneaux affichés sur des autobus...<br /> <br /> Cette phrase me laisse perplexe et je vais te dire pourquoi. Il me semble que le message qu'elle véhicule nous amène sur plusieurs fausses pistes et prétentions douteuses. Comme si ceux et celles qui croient en quelque chose ne pouvaient pas s'amuser et profiter de la vie...<br /> <br /> Comme si ceux qui ne croyaient en rien n'avaient pas une conscience sociale, le goût de mordre dans la vie à pleindes dents, le sens des responsabilités et des balises morales qui en font des citoyens respectueux d'autrui. <br /> <br /> Mais cette phrase peut vouloir dire autre chose que ce que j'en perçois comme message... Ça dépend du vécu de chacun, j'imagine!
Z
J'ai adoré lire cette histoire dans ton histoire de vie. Si bien racontée, en plus, avec des analogies bibliques remplies d'ironie qui m'ont fait sourire un peu malicieusement, je dois l'avouer, à plusieurs reprises. <br /> <br /> Mais quel parcours, quel courage, quels combats avez-vous menés pour que votre liberté et celle de votre bambin, et sa petite soeur aussi, soient respectés... Ça n'était pas facile. Vous avez tracé le chemin pour d'autres après vous. Bravo!<br /> <br /> Vous n'aurez pas fait ça pour rien. Tellement d'autres ont continué le combat. En prime, vous aurez appris à vos enfants (un bénéfice marginal non négligeable) qu'il valait la peine de se battre pour ce en quoi on croyait, qu'il n'était pas nécessaire de faire partie de la masse, que la liberté était quelque chose de précieux qu'il fallait assumer et toujours défendre. <br /> <br /> Ma fille a 23 ans aujourd'hui. À l'école primaire comme au secondaire, elle a toujours eu le choix entre religion ou morale. Elle choisissait selon son gré, mais surtout selon le consensus qu'ils se faisaient entre eux pour être dans les mêmes cours! C'était divisé à peu près également, autant d'enfants dans un groupe que dans l'autre. Je n'avais pas réalisé que nous avions de la chance. Nous n'avons même pas eu à nous débattre pour faire reconnaître ce choix, ce droit.
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